"Autant redouté qu'estimé, notre jury provoque des réactions hystériques". C'est ainsi que commençait cet horrible cauchemar, avec la voix off d'un commentateur qui rappellait celle de Benjamin Castaldi. La file d'attente en frisonnait déjà. Pierre-Paul Barot, le directeur du musée du collage, leur faisait très peur, car certains l'avaient trouvé très corrosif vis à vis des candidats du concours de l'année dernière.
Le rève reprend. Attention, le premier candidat va se lancer dans l'arène.
Ah, certes, son collage a du tempérament, mais derrière il n'y a rien, pas de technique. Comment dire, l'interprétation n'est pas juste, c'est assez vulgaire tous ces bouts de papiers trop colorés. La sanction tombe : "La porte, c'est de ce côté".
L'animateur chargé de recevoir les candidats y va de son speech dans la salle d'attente ; les motive, les insulte même un peu, leur dit l'immense déception du jury. Pas de sortie de secours, maintenant chaque candidat collagiste va devoir sortir la bête qui est en lui ! Oui, oui, "la bête", c'est bien le mot qui a été employé.
"Bien, qu'allez-vous coller? demande Pierre-Paul Barot à la nouvelle qui se présente.
"La chaise cannée, de Picasso", répond-elle.
Elle y met tout son coeur, la candidate, mais c'est un flop.
"Vous n'avez aucune personnalité ! Vous n'avez pas réussi à vous approprier cette oeuvre et à la faire vôtre..."
Ca continue de défiler. En masse. Comme cet autre, là, qui dit : "Parfois j'ai des trous, pardonnez-moi ces blancs sur la toile". Il a raté son interprétation de Claude Pélieu. Il voulait faire original pour se démarquer, il sort en larmes.
Il faut dire que parmi les candidats, on s'amuse plus qu'on ne se concentre. Ils passent leur temps à téléphoner ou à faire les zouaves... Qu'ils ne s'étonnent pas du retour de bâton!
"Cette année, l'exigence du jury est encore plus grande", reprend la voix du commentateur.
"Vous ne serez jamais collagiste", entend-on dans la salle de collage comme une confirmation.
Il est sorti furieux, celui-là, de la salle des tortures. Et bizarrement, il s'est dirigé vers un poste de télévision, a appuyé sur le bouton d'arrêt et le cauchemar s'est arrêté. D'un coup. On n'y peut rien, c'est souvent comme ça les rêves. Aucune explication. Mais le plus curieux, véritablement, c'est qu'au réveil, le chat, MON chat, se baladait avec un tube de colle dans la gueule ! La coïncidence, la correspondance, le lien, le rappel - appelez cela comme vous voulez - laisse impuissant. La raison s'étonne, s'angoisse, a beau s'interroger, ne trouve pas de réponse. Ce qui m'amène à vous demander - malgré la honte que j'en ressens - si vous l'avez aperçu dans la salle d'attente... Je parle du chat, bien sûr. Et je vous prie d'envoyer un mail à :
Alarecherchedunouveaucollagiste@hotmail.fr"Mais, toi, Pierre-Paul, tu es sûr de ne pas l'avoir vu ?"
"Oh, moi, tu sais, chat ou pas, si c'est du beau collage..."